Pendant des années, j’ai enseigné le Pilates comme on me l’avait transmis : structuré, aligné (évidemment) et efficace.
Mais je sentais qu’il manquait quelque chose.
Une profondeur.
Un manque de vivant derrière la précision.
« Le plus grand défi n’est pas uniquement de marquer des points, mais d’apprendre à aimer le jeu lui-même. »
Tiger Woods
Quand le mouvement devient un retour à soi
Le mouvement — même dans sa forme la plus athlétique — a besoin d’une dimension intérieure pour prendre vie pleinement.
Quand cette dimension s’éveille, le geste devient instinctif, libre, habité.
Il cesse d’être contrôlé; il devient vécu.
Cette prise de conscience m’est venue en observant certains de mes clients — principalement des sportifs, ou simplement des personnes cherchant à bien faire — mais enfermés dans leur tête.
Leur corps faisait tout “comme il faut”, et pourtant… quelque chose restait tendu, déconnecté. Beaucoup souffraient de petites blessures récurrentes.
En cherchant des solutions pratiques j’ai découvert des raisons inattendues.
La peur.
De ne pas en faire assez.
De ne pas être assez.
De ne pas faire juste.
De ne pas être apprécié.
La lutte entre peur, ego et confiance
Derrière l’effort, souvent l’ego murmure: « Fais mieux. Sois plus fort. Prouve quelque chose. »
Un peu à l’image d’un rôle que l’on s’impose par crainte de ne pas être à la hauteur. Le problème, c’est que cela se reflète dans le mouvement.
La peur contracte le corps. La confiance l’ouvre.
La qualité réelle d’une performance n’a rien à voir avec le contrôle ou le désir de perfection.
Elle repose sur une coopération subtile entre volonté et sagesse, maîtrise et abandon.
En résumé: lorsque le mental desserre son emprise, le corps se souvient de ce pour quoi il a été créé: bouger, s’adapter, s’exprimer librement.
Le corps garde les traces des histoires non dites
Nos blessures émotionnelles laissent des traces dans le corps — non seulement sous forme de tensions, mais aussi dans notre manière de nous porter.
C’est ainsi que la douleur devient parfois partie intégrante de notre posture.
Le corps cherche à nous protéger en contenant ce que nous n’avons pas encore pu relâcher.
Avec le temps, cette protection devient limitation.
On bouge moins librement, on respire moins profondément, on évite de ressentir pleinement.
Et quand on pousse son corps sans l’écouter, il s’exprime toujours plus fort : douleurs, tensions chroniques, blessures apparaissent.
Traiter son corps comme une machine à gérer plutôt qu’un allié à comprendre est monnaie courante. C’est dommage car le corps est un messager bienveillant.
Il reflète des histoires, des peurs et des émotions qui n’attendent qu’à être libérées.
La clé, c’est apprendre à écouter autrement — avec curiosité plutôt qu’irritation.
Les murs bâtis pour nous protéger deviennent des ponts de connexion. La guérison nécessite de la compréhension, car souvent il ne s’agit pas de “réparer” le corps, mais de l’entendre exprimer ce que le mental cherche à éviter…
Au fil des années, j’ai vu combien les émotions non exprimées peuvent façonner la posture, restreindre le mouvement, pomper l’énergie de la personne.
Le corps, fidèle allié, s’adapte à nos récits intérieurs — même à notre douleur — pour nous aider à survivre à nos histoires.
C’est pourquoi réconcilier sa relation avec son corps, ou simplement lui demander une performance de qualité, ne passe pas par un simple travail physique; cela demande de savoir écouter avec compréhension et douceur.
Être simplement là — aligné dans la tête et le corps
Quelque chose de bien et beau se produit lorsqu’on cesse d’être ailleurs.
Il ne s’agit plus de corriger. Forcer. Vouloir faire bien. Pas de faux ou juste. Simplement une présence totale pour se permettre de ressentir.
La conséquence?
Le corps ressent ce lever de pression.
Chaque muscle reçoit la permission de se lâcher.
La respiration s’approfondit.
Le mouvement s’ouvre.
C’est tout le paradoxe de la performance:
Plus on pousse, plus le corps résiste.
Plus on adoucit, plus il se libère.
Le corps marche à la confiance. Plus il se sent libre, plus son amplitude se révèle.
Je vois souvent cette magie opérer.
Une de mes clientes avec une conscience intérieure remarquable, se retrouve souvent prise au piège du vouloir “bien faire”.
Lorsqu’elle le réalise, elle s’arrête, puis ferme les yeux pour se reconnecter à des sensations positives: Se sent-elle bien? Détendue?
Lorsque son mouvement s’adoucit, sa posture s’aligne naturellement, et la puissance revient — non par l’effort, mais par le relâchement total de ses attentes.
Chaque fois, c’est la même conclusion:
Quand le mental s’efface, le corps s’épanouit.
C’est le moment où le corps murmure : « Tu n’as plus besoin de te battre contre moi. Nous sommes dans la même équipe. »
L’art de laisser le mouvement advenir
Lorsqu’on cesse enfin de vouloir contrôler le mouvement, quelque chose de magique se déploie.
Le corps prend les rênes. Le mental devient passager plutôt que conducteur.
Ce qui ressemblait à de l’effort devient flux. Ce qui paraissait pression devient jeu.
C’est à ce moment-là que le mouvement dépasse le physique.
Il devient un dialogue — entre nos mondes intérieur et extérieur, entre le contrôle et l’abandon, entre nous et quelque chose de plus grand qui nous anime.
Comme le disait Tiger Woods, ses meilleures performances ne venaient pas de la poursuite du résultat, mais du fait d’être totalement absorbé par le jeu lui-même.
La prochaine fois que vous bougez — que ce soit à l’entraînement, en dansant ou simplement en marchant:
Ne pensez pas aux résultats.
Ne cherchez pas à contrôler ce vous pensez devoir ressentir.
Cherchez plutôt à découvrir:
Et si ne rien vouloir ou attendre allait me permettre d’obtenir plus que je ne l’imagine?
Et si je laissais le vide me surprendre?
En agissant ainsi, vous allez redécouvrir l’essence du mouvement: la liberté, la connexion, et la vie qui circule sans effort à travers vous.
Et peut-être, comme ces deux danseurs, vous laisserez-vous porter, à un moment donné, par la joie d’un réel lâcher-prise, libéré-e de toute contrainte.
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